CHAPITRE VII
Weisse quittait la crypte du Palais, où il s’était recueilli quelques instants sur les cendres de Martha, quand son regard accrocha un fourgon mortuaire qui remontait cérémonieusement la Voie 15, entraînant à sa suite une procession de personnes dont toutes n’avaient pas eu le loisir de revêtir un costume de circonstance. Le malheur avait frappé trop vite, de façon trop inattendue. L’aube avait révélé les victimes de la nuit passée, et déjà la fumée noire et écœurante du four public paraissait les appeler… Combien de milliers de gens avaient-elles absorbé à tout jamais, ces bouches de l’enfer ? Combien de kilomètres avaient parcouru les tapis roulants noirs qui y conduisaient ? Ce spectacle funèbre n’attirait plus l’œil de personne. Dans la stricte intimité, les usines de mort officiaient à leur rite destructeur… Du moins Martha n’avait-elle souffert le mal de l’anonymat de ces caisses noires et luisantes qui tombaient une à une dans la fournaise avec un bruit mat.
L’esprit sombre, Weisse suivit des yeux la triste escorte jusqu’à la porte du sinistre bâtiment gris et austère, tendu d’un dais noir élimé par l’âge. Puis il se détourna, songeant qu’un jour aussi, il passerait par cette ouverture. Sentirait-il quelque chose ? Souffrirait-il ? Son cerveau fonctionnerait-il suffisamment pour lui prêter quelque soupçon de conscience ? Le Horlag détruisait l’esprit, mais l’âme ? Mais ce qui faisait l’essence humaine proprement dite ? Pour les scientifiques, la mort ne se résumait qu’à l’impossibilité de tirer la moindre énergie d’un être. Mais la victime du Horlag était-elle bien morte, ou seulement dans l’incapacité de prouver sa conscience ? La question avait toujours tourmenté Weisse. Des théories avaient vu le jour, selon lesquelles le corps ayant perdu ses facultés d’esprit n’en poursuivait pas moins une existence ralentie, comparée souvent à celle des végétaux. Mais aucune expérience n’avait été autorisée. Et si certaines avaient eu lieu malgré tout – à l’insu du gouvernement – les résultats devaient en être soigneusement tenus secrets par leurs dépositaires…
Tout en méditant de la sorte, Weisse se dirigeait vers le Secteur Détruit. Au fil des rues, les maisons devenaient plus misérables et l’air avait des relents désagréables. Des groupes d’oisifs étaient affalés dans tous les coins, qui l’observaient à la dérobée en murmurant. La saleté et l’abandon de certaines places ne témoignaient que trop le mépris des pouvoirs publics. Weisse avait conscience de s’enfoncer dans la tanière de la pègre de Xuban, là où les Miliciens regardaient à deux fois avant de s’aventurer, d’ordinaire…
Un jeune garçon déboucha d’une ruelle parallèle, un cristal lumineux dans sa ceinture. A la vitesse où il galopait, Weisse songea qu’il devait au moins avoir le diable aux trousses. En le voyant, le gosse fit précipitamment demi-tour, s’engouffrant dans ce qui était malheureusement pour lui une impasse. Mais deux miliciens rouges d’effort apparurent à leur tour, gourdins au poing. Ils scrutèrent rapidement l’endroit, avisèrent l’impasse et échangèrent un coup d’œil entendu. Ils n’avaient même pas prêté garde à Weisse, qui pourtant n’était planté qu’à quelques pas de la scène. Les miliciens fondirent dans le passage sordide et obscur comme des rapaces. Des cris aigus jaillirent, à moitié couverts par le vacarme des poubelles renversées et des fenêtres brisées. Le sang de Weisse ne fit qu’un tour. Il s’élança à leur suite, pour surprendre les policiers tabassant le gamin avec des « han ! » de bûcherons. Le malheureux se tortillait sur le sol en gémissant affreusement. Weisse jeta un ordre bref et rageur, mais aucun des tortionnaires ne l’entendit. Alors il se précipita tête la première sur le plus proche, l’envoyant bouler dans les détritus. Le second fit volte-face, livide de colère, la main cherchant déjà nerveusement la sangle de son fusil-arbalète… Mais à ce jeu-là aussi, Weisse possédait une incontestable supériorité. Il le tenait déjà en joue. Le Milicien parut reprendre ses esprits et s’apercevoir enfin à qui il avait affaire. La crainte se peignit sur son visage, et il chercha désespérément le regard de son compère qui se relevait avec peine. Weisse s’agenouilla auprès du garçon. Il était piteusement roué de coups et saignait du nez. Mais il ne portait aucune blessure grave. Rassuré, Weisse reporta toute son attention sur les policiers, l’œil mauvais.
— Qu’est-ce… Qu’est-ce qui vous a pris, Prévôt ? Ce… Ce sale moutard a volé un cristal, et c’était notre devoir de le poursuivre, non ?
— Le battre à mort aussi ? Un gamin de dix ans ? Quel secteur, quel matricule ?
— Euh… Secteur 12, matricules…
— Secteur 12, vraiment ? Vous êtes vraiment de sacrés rigolards, au Secteur 12 ! C’est pas vous qui laissez sortir vos prisonniers la nuit tombée, histoire de vous marrer un bon coup ? Mais si, cela me revient, maintenant. Il paraît même que vous les poussez dehors à coups de pied s’ils refusent…
Sans prévenir, Weisse tordit violemment le poignet au plus proche, pour lire son matricule sur son bracelet greffé. Il le nota mentalement et ricana.
— Je parlerai de vous à un Coordinateur de mes amis. Vous pouvez vous attendre à un sérieux avancement, prochainement. En attendant, allez donc exercer votre bravoure en collant des procès-verbaux aux véhicules gouvernementaux qui bloquent en stationnement la Voie 6 de votre secteur. Et n’oubliez pas de les signer. Là, vous aurez du mérite. Maintenant filez !
— Mais qu’est-ce qu’on va dire au type volé ?
— Payez-le, puisque vous tenez tant à ce qu’il récupère son bien.
— Mais, Prévôt, c’est un gosse du Secteur Détruit, un de ces voyous qui…
Le regard venimeux que lui décocha Weisse le dissuada de poursuivre et les deux miliciens s’éclipsèrent, l’un en se tenant les reins, l’autre en se plaignant qu’il avait la main cassée. Le gosse allait profiter de l’occasion pour reprendre les jambes à son cou, mais Angam le stoppa net avec son bras.
— Comment t’appelles-tu ?
— Mak.
— Mak comment ?
— Mak, c’est tout. Vous allez m’emmener en prison ?
— Pas si tu me dis les raisons pour lesquelles tu as volé ce cristal.
— J’en ai besoin, dit Mak en pâlissant. Ma mère et moi, on a pas de lumière, dans notre trou. Et cette nuit, un Horlag est venu. Il a failli embrasser maman. Heureusement, j’étais là. Je l’ai mis en fuite, avec un chiffon enflammé.
Weisse se sentit traversé par un frisson bizarre. Il réfléchit un instant, puis dit :
— Il se trouve loin d’ici, ton trou ?
— Non, pas très loin, j’étais presque arrivé, quand ils m’ont sauté dessus avec leurs matraques…
— Tu peux m’y conduire ?
— Si vous voulez. Je peux garder le cristal, c’est vrai ?
— Pas encore, fit Weisse en le lui subtilisant pour le glisser dans sa ceinture. Est-ce que tu connais un dénommé Kalf ?
— Jamais entendu parler, dit fermement l’enfant. – Bon, conduis-moi, alors.
Ils se mirent en route, main dans la main. Le nez de Mak avait cessé de couler, mais il n’était pas beau à voir, gonflé comme un légume. Le prévôt se laissa guider, non sans conserver cependant tous ses sens aux aguets. Ils empruntèrent de la sorte tout un écheveau de ruelles sordides et étroites, pour finalement aboutir au cœur du Secteur Détruit. Mak s’arrêta pour désigner du doigt un talus de pierraille adossé à un grand mur sombre. Il lâcha la main d’Angam et se mit à déblayer furieusement l’entrée d’un souterrain. Quand l’ouverture fut assez grande, il l’invita à s’y glisser. Mais le policier lui signifia qu’il lui laissait cet honneur. Le gamin haussa les épaules et se coula dans le trou avec l’agilité d’un serpent. Weisse l’imita.
— Il y a beaucoup de terriers comme celui-ci ? questionna-t-il tout en rampant.
— Partout. Le Secteur Détruit est un vrai gruyère. Heureusement, sinon je ne crois pas que personne oserait héberger des gens comme nous.
Weisse était sur le point de faire une remarque, mais tout compte fait, préféra la garder pour lui. Ils débouchèrent dans une cavité très sombre et malodorante, semblable quant aux dimensions à celle où Kalf l’avait conduit, quelques jours plus tôt. Là, il reçut un choc inattendu. Dans le coin le plus reculé du souterrain, une femme joliment vêtue semblait dormir, le visage tourné contre la paroi. Une femme qui, dans cette position, ressemblait furieusement à Martha. Mak dut s’apercevoir du trouble de son compagnon, car il précisa :
— C’est ma maman. Elle n’est pas très bien, depuis cette nuit.
Weisse ficha le cristal lumineux dans la terre et une clarté douce dissipa les ténèbres de l’odieux repaire. Avec précaution, il retourna la femme vers lui. Il laissa échapper un soupir de soulagement. Le visage blême, aux pommettes saillantes, n’était pas celui de Martha. Elle pouvait avoir son âge et sa corpulence, néanmoins, sans parler d’une couleur de cheveux identique. Mais ce n’était pas Martha. La mère de Mak n’était pas très belle, bien que son corps dessinât au travers de l’étoffe curieusement fine des courbes passablement tentantes. Weisse ne sut trop ce qui lui passa alors par la tête. Il ne la connaissait pas, et cependant se sentit obligé de faire quelque chose.
— Le Horlag l’a touchée ? demanda-t-il à l’adresse de Mak, sans se retourner.
— Non, mais il l’a longtemps regardée. Pendant que je faisais le feu… Cela s’est passé dehors, près du talus. Elle va mourir ?
— Il faut que tu saches la vérité, mon garçon. Cette nuit, le Horlag va revenir achever son travail. Si nous l’en empêchons, ta mère se remettra doucement. Sinon…
Il avait dit nous sans même s’en rendre compte. Au même instant, elle ouvrit les yeux. Weisse remarqua sur-le-champ leur taille anormale, leur fixité malsaine. Il eut à nouveau peur d’intervenir trop tard. Il tâta rapidement le pouls, puis le corps tout entier. Il ne décela rien d’anormal, à l’exception du rythme cardiaque trop lent.
— Qui c’est, lui ? interrogea-t-elle avec défiance, d’une voix faible.
— C’est un prévôt, maman, répondit hardiment Mak en s’approchant. Il va t’aider…
— Un prévôt ! s’écria sa mère avec colère et crainte tout à la fois. Pourquoi l’as-tu amené ici ?
Mak expliqua sans s’émouvoir les circonstances qui lui avaient valu de rencontrer Weisse, et que maintenant, ils avaient un cristal lumineux. Quand la femme posa de nouveau ses yeux exorbités sur Weisse, son expression s’était sensiblement radoucie, mais toujours nuancée de méfiance.
— Je m’appelle Myra… Pourquoi êtes-vous ici, prévôt ? D’ordinaire, les gens comme vous ne rampent pas à quatre pieds sous terre…
— Justement, pour une fois, j’ai voulu essayer, répondit-il caustique.
Puis il ajouta, croyant bon de ne pas devoir mentir sur ses véritables intentions : – Je cherche un homme, dans le Secteur Détruit. J’ai pensé que vous pourriez le connaître et m’indiquer où il se trouve…
— C’est donc cela ! Vous vous prostitueriez pour chercher les ennemis de votre splendide Etat… Allez vous faire voir…
— C’est en tout cas ce que j’ai pensé jusqu’à ce que je vous voie dans cette tanière puante, poursuivit Weisse sans s’émouvoir.
— Sortez donc, si l’odeur vous déplaît.
— Le Horlag va revenir. Un Horlag revient toujours là où il sait que ce sera le plus facile. Il faudra le tuer ce soir, sinon, il reviendra vous hanter chaque nuit, comme un spectre, jusqu’à ce qu’il parvienne à ses fins.
— Vous voulez m’expliquer que je n’ai pas une chance, c’est bien ça ?
— Vous avez une chance : moi.
Mak observait la conversation sans rien dire. Sa mère l’interrogea brièvement du regard ; il fit un signe d’acquiescement. Elle revint à Weisse.
— Et pourquoi vous feriez ça pour moi, prévôt ? Vous savez ce que je suis, hein, vous voulez le savoir comment j’arrive à manger tous les jours avec mon gosse ?
Weisse regarda Mak. Il vit passer l’ombre furtive sur son visage buriné par les vicissitudes d’une existence misérable. Buriné comme celui d’un adulte.
— Je me fous de ce que vous êtes ou de ce que vous faites, jeta-t-il sèchement. Mak, tu ne quittes pas ta mère. Qu’elle évite de bouger. Je vais rapporter ce qu’il faut avant la tombée de la nuit.
Weisse enfila le boyau en sens inverse et regagna l’extérieur. L’idéal eût été de conduire cette femme chez un médecin. Son cas n’était pas désespéré, mais il savait qu’il ne pourrait l’en convaincre. Aussi décida-t-il de faire quelques emplettes, notamment des vivres et des médicaments, puis de retourner là-bas. L’après-midi était bien avancé quand il se coula de nouveau sous l’éboulis. Myra dormait, Mak veillant près d’elle.
— C’est bien d’être revenu. Nous n’y croyions pas vraiment…
Sans répondre, Angam lui tendit des couvertures et de la nourriture. Mak mangea avec une avidité qui ne disait que trop la longueur de son jeûne. Sa mère s’éveilla bientôt, et considéra Weisse avec étonnement, qui polissait un étrange dard luminescent, accroupi en face d’elle. Elle paraissait plus livide encore que tout à l’heure, et ses yeux s’étaient encore gonflés. Sa bouche était convulsée parfois de tremblements de mauvais augure. Le Horlag l’avait profondément marquée de sa griffe. Il serait dur de lui faire renoncer… Maintenant, elle savait que le crépuscule était proche et sa fierté ne contenait plus la terreur qui sourdait dans tout son être. Quand elle eut mangé à son tour, elle demanda :
— Pourquoi faites-vous cela pour nous, prévôt ? Vous pensez nous séduire et nous faire révéler l’endroit où se cache l’homme que vous cherchez ?
— Je dispose d’une centaine d’autres moyens pour le trouver, autres que risquer ma peau en attendant votre Horlag.
— Je ne vous ai rien demandé. Rien ne vous oblige à agir comme vous le faites.
— C’est ce que me disent beaucoup de personnes en ce moment. Je ne vous demande rien non plus. Nous sommes quittes.
Et Weisse ne dit plus un mot, s’absorbant à régler son fusil-arbalète. Quand il leva de nouveau les yeux, fin prêt, Mak s’était endormi et Myra l’observait intensément, en tremblant de peur.
— Excusez-moi pour ce que je vous ai dit, tout à l’heure, souffla-t-elle. Mais je ne vous comprends’ pas.
— Ma femme a été tuée par un Horlag, voici quelques jours. J’ai juré que je traquerais ces saloperies de bestioles à la moindre occasion qui se présenterait. Même si cela doit compromettre les intérêts de certains. L’explication vous suffit-elle ?
— Qui est l’homme que vous recherchez ?
— Quelqu’un que l’on croit mort, mais qui en fait s’est réfugié dans le Secteur Détruit. J’ai besoin de lui parler. Il me connaît et se souvient probablement de moi. En tout cas, je ne lui veux aucun mal. Il s’agit du Dr Kalf. Vous le connaissez ?
— Non, dit Myra avec trop de hâte.
— Je connais la complicité qui règne entre les habitants de ce secteur. Vous formez une classe à part, méprisée et redoutée en même temps. Si vous le voyez, dites-lui que je veux le voir, que c’est important. Mon nom est Weisse.
— Vous oubliez qu’il faudra d’abord tuer ce Horlag. Comment vous y prendrez-vous ? Personne n’a jamais tué de Horlags, à ma connaissance.
— Si, moi. J’ai même eu droit à une manchette dans la gazette, il n’y a pas longtemps. J’ai conçu un dard spécial qui les affecte, fait d’un alliage à la fois simple et compliqué. Un dard lumineux. Malheureusement, je n’ai pas les moyens d’en fabriquer beaucoup.
— Le gouvernement va vous donner pas mal d’argent pour avoir trouvé ça.
— Ou un dard dans le dos, c’est selon. Je ne sais pas pourquoi, mais je ne suis pas sûr qu’il tienne à faire disparaître les Horlags, maintenant. Alors ma découverte risque de tomber mal.
— C’est gentil de me rassurer, mais je crève quand même de peur…
— Votre fils est courageux. Où est son père ?
— Je ne sais pas qui est son père, répondit Myra avec un ricanement de dégoût. Ce soir-là, ils sont entrés à plusieurs sous ma cabane de planches…
— Excusez-moi.
— Oh, il n’y a pas de quoi… Enfin, de quelque façon que cela tourne, je vous remercie pour ce cristal. Je n’avais pas eu de lumière à moi depuis fort longtemps. En fait, par ici, nous avons juste de quoi nous payer un rêve ou un homme de temps en temps…
— Taisez-vous ! intima brusquement Weisse, en levant son arme.
Dans le silence du dehors, une pierre avait roulé. La chaleur prodiguée par le cristal, excessive tout à l’heure, parut brusquement insuffisante. Le policier le déplaça de telle sorte qu’il éclairât mieux le boyau, dont il avait volontairement laissé l’issue ouverte. Si le Horlag s’y engageait, il y aurait peu de chances de le manquer. A condition toutefois d’être le plus rapide…
— Il m’appelle ! gémit subitement Myra. Il m’appelle… de l’extérieur !
Weisse pâlit. Pourquoi cette bestiole ne se montrait-elle pas, bon sang ! Myra venait d’entrer dans des convulsions effrayantes. Prenant son inspiration, il se jeta en rampant dans le tunnel. Il « sentait » le Horlag là, au-dessus de sa tête… Puis soudain, il comprit qu’il avait commis une erreur, qu’il était allé trop loin vers le dehors. Il voulut battre en retraite, mais n’en eut pas le temps. Il y eut un souffle d’air et le Horlag fut devant lui, noir et silencieux comme la mort. Weisse poussa un cri. Quelque chose d’ignominieux venait de fouiller son esprit, comme une langue intangible et délétère et il comprit toute la perversion maléfique qui habitait cette créature monstrueuse, vouée au seul loisir de détruire et d’absorber. Un malaise inimaginable se répandit en lui comme une traînée de poudre, une souffrance morale inconcevable, dépassant son imagination. Il rassembla toutes ses facultés mentales pour les jeter dans la bataille désespérée qu’il livrait. Il n’épargna aucune parcelle de son énergie pour repousser l’assaut immonde, se battant avec une rage surhumaine. L’esprit du Horlag – si tant est qu’on pût appeler cela son esprit – était comme un grappin glissant sur la surface qu’il s’était proposé d’accrocher. Et le dard partit, au hasard… Dans un suprême effort, Weisse avait pu presser la détente de l’arme qu’il n’avait pas lâchée. Il y eut un cri perçant et affreux. Une pestilence sans nom se répandait dans le souterrain. Une pluie de cendres aveugla Angam. Il eut conscience qu’on le tirait vigoureusement en arrière, avant que de sombrer dans un puits noir et sans fond…
A son réveil, un peu de jour filtrait dans le boyau. Il était seul. Son premier sentiment fut une profonde angoisse qui lui dessécha la gorge. Une peur rétrospective : il avait frôlé la mort la plus atroce dont pût souffrir un être humain. Il l’avait pressentie, entrevue, là, au bord de l’abîme, dans toute sa hideur cosmique. Il savait à présent ce qu’avait dû éprouver Martha… Mais lui en était revenu. Incompréhensiblement. Il avait résisté et vaincu cette sangsue mentale et dévastatrice, et se demandait encore comment. Sans chien… Etait-il doué d’une résistance supérieure à la moyenne ou ne s’agissait-il que d’un effet de circonstances ? Cette nuit, il ne se souvenait pas avoir rêvé. En tout cas, il n’éprouvait nullement le besoin de recourir aux services d’un Montreur. Il se sentait passablement choqué et épuisé, mais ne décelait en lui aucun symptôme de manque. Etrange. A peine croyable. Son esprit n’était-il pas en train de muter, ceci expliquant cela ?
Et puis il réalisa enfin que Mak et Myra l’avaient quitté. Il grogna de déception, tout en écartant la couverture dont on avait pris soin de l’abriter. Un bout de papier chiffonné tomba sous ses yeux, couvert d’une écriture malhabile.
Je n’ai rien à vous donner en remerciement. Je suis probablement hors de danger. Enfin… rien que vous accepteriez, je crois. Je répéterai à Kalf ce que vous m’avez dit, mot pour mot. S’il accepte de vous rencontrer, Mak vous contactera.
Angam se rasséréna quelque peu. Du moins n’avait-il pas tout perdu. Il revit Myra, ses traits maigres, sa bouche convulsée, ses yeux énormes, presque effrayants… Ses vêtements trop riches pour elle… Bizarrement, sa mémoire avait mentionné ce détail, en attendant qu’il daignât lui accorder son attention. Comment diable pouvait-elle se procurer de tels habits, dans sa condition misérable… Il se souvint aussi que Mak n’était pas vêtu de haillons, mais d’une chemise qui semblait presque neuve. Weisse sentit qu’il venait de toucher du doigt quelque chose d’important, mais ne parvenait pas à le relier à ce qui devait l’être…
Tout en réfléchissant de la sorte, il rampa hors du trou, où finissaient de pourrir les restes du Horlag, rongés par la lumière du jour. Après ce séjour prolongé sous terre, il lui sembla revivre en respirant l’air frais du matin. Il arrêta un ovobile public en maraude et se fit conduire chez lui. Là, il accorda deux bonnes heures à la toilette et à un peu de relaxation. Lody avait filé, probablement à la recherche de quelque nourriture. Reviendrait-il ? Rien n’était moins sûr, et le prévôt nota à cette occasion sa propre négligence. Négligence qu’il avait peut-être fait subir à Martha, mais dont elle n’avait jamais osé se plaindre… Il chassa ses pensées lugubres et se rendit sans plus attendre au poste. Lar Livkist le croisa dans le couloir et lui adressa des reproches justifiés quant à son absence prolongée.
— Tu seras peut-être heureux d’apprendre que j’ai descendu un autre Horlag, dans le Secteur Détruit. – Mais que fichais-tu la nuit dans le Secteur Détruit ? Tu es devenu complètement marteau ?
— Arrête de jouer les couveuses, tu veux ? J’ai promis à mon beau-père de veiller sur son sommeil, la nuit. Alors je m’exécute, c’est tout. Le Prévôt Général est dans son bureau ?
— Il t’attend depuis hier, tu penses…
— Sais-tu si le Matériel a été livré de nouveaux cristaux ?
— Oui, j’ai été chercher les miens, tout à l’heure. Mais qu’est-ce que tu en fais de tes cristaux, tu les manges ?
— C’est un peu ça, oui.
Assez curieusement, et malgré leur vieille amitié, Weisse éprouvait des réticences à mettre Lar au fait de ses recherches, à lui confier ce qu’il sentait de produire en lui depuis la mort de Martha… Il lui adressa un clin d’œil de connivence, avant de lui fausser compagnie. Mol Vilka, le Prévôt Général du Secteur 64, se trouvait effectivement dans son bureau, aux prises avec un interlocuteur retors au bout de l’interphone. Il n’en décocha pas moins un regard furibond à Weisse tout en expliquant assez vertement son point de vue sur les prochaines promotions.
« L’air commence à se remplir des pistons annuels, remarqua Angam sans façon. »
Mol Vilka raccrocha sèchement. C’était un vieux policier, rompu aux contraintes et aux vicissitudes de son métier, mais qui l’aimait par-dessus tout. Il dévisagea Weisse avec un air mauvais.
— Je n’aime pas ce que vous faites en ce moment, prévôt, avoua-t-il nettement, sans s’encombrer de préambules. Je ne sais pas encore pourquoi. Je sais seulement que ça ne me plaît pas, et que ça ne plaît pas non plus à d’autres, qui eux, savent pourquoi. Où voulez-vous en venir exactement ? Que voulez-vous prouver à la face de Xuban ?
— Dois-je vous répondre ? Je suis persuadé que vous avez déjà pris vos renseignements, ou qu’ils vous sont parvenus par la voie hiérarchique.
— En deux mots, vous voulez déclencher une campagne contre le phénomène horlag, sans autre soutien que vos seules actions d’éclat, et malgré les lois existantes.
— Il faut une licence, pour réclamer un peu de salubrité ?
— Bon, laissez-moi vous parler très franchement, prévôt. Vous avez été traumatisé par la mort de votre femme, c’est tout. Vous devriez vous faire interner à l’asile, le temps de récupérer.
— C’est ça, la bonne nouvelle promise ?
— Oh, non, mais je vais vous la dire. J’ai reçu consigne d’en haut de vous laisser entreprendre une patrouille de nuit à l’essai.
Weisse ouvrit tout grands les yeux. C’était la dernière chose qu’il s’attendait à entendre. Mais il ne s’expliquait pas le revirement subit de Lod Baney. Car seul Baney pouvait être l’auteur de cette consigne.
— Ne vous réjouissez pas trop vite, Weisse, le tempéra Vilka. Si cet essai échoue, que vous essuyiez le moindre déboire, sachez qu’il m’incombera le devoir de vous mettre à pied. En d’autres termes, vous jouez votre tête sur ce coup-là. A quelque temps des promotions, où il était plus que probable que vous devriez me succéder. Réfléchissez, Weisse. Je ne sais pas ce qu’il y a au juste au fond de votre tête, mais réfléchissez…
— C’est tout réfléchi. La consigne notifie-t-elle une limitation quant à l’équipement et l’effectif ?
— Non. Vous avez carte blanche.
— Alors voici ma liste. Veuillez la transmettre au Matériel.
— Vous l’aurez voulu, Weisse. Vous ne faites que descendre dans une cage aux lions. Et cela ne profitera à personne.
— Pas à tous, cela, je le sais déjà. Merci, Vilka.
— Pas de merci. Vous êtes fichu, mon vieux. Baney veut vous avoir, c’est clair. Le type même du cadeau empoisonné.
— Je tâcherai de nous en sortir tous. Vilka, j’ai conçu un dard spécial qui affecte le Horlag, tout au moins quand il est assez tangible, que sa structure moléculaire est assez dense…
Mol Vilka haussa un sourcil incrédule et surpris.
— J’ai connu des miliciens encore plus rapides que vous, si la chose est possible. Mais eux n’ont jamais tué d’Horlags. Il faut en effet que vous ayez trouvé un moyen…
Weisse acquiesça et entreprit de lui révéler le procédé chimique pour l’obtention de son alliage lumineux. Comment il parvenait à dissoudre le cristal dans l’acide de Xyl, pour l’incorporer ensuite à l’acier allégé du dard. Vilka hocha la tête.
— C’est probablement simple et génial, mais passablement ruineux. Au prix où les trafiquants nous font payer le cristal, il serait plus rentable de fabriquer des dards en or massif. Votre découverte ne pourra jamais servir à équiper toute la Milice de Xuban.
— C’est une question de politique, à mon avis. Tout dépend de la réelle volonté du gouvernement de se débarrasser des Horlags. Ces créatures sont sensiblement affectées par la lumière, d’où qu’elle provienne, et brûlent comme du papier à son simple contact. A quel phénomène physique obéissent-ils ? Je l’ignore, mais nous devons creuser cette idée. Et avec l’aide de quelques crédits, inventer une arme nouvelle et adaptée…
— C’est du rêve, Weisse ! Et comme vous le dites si bien, personne n’a percé le secret, la nature des Horlags. Nous en sommes réduits à jouer sur des hypothèses.
— Pas même le Dr Kalf ?
— Qui vous a parlé du Dr Kalf ? interrogea avec vivacité Vilka.
— Le Coordinateur Kel, qui était un ancien élève à lui…
— Kalf est un nom maudit, Weisse. Je ne vous conseille pas de le prononcer devant n’importe qui. C’était un savant trop imbu de son intelligence. Il a fini ses jours dans un asile de fous, et notre monde ne peut que s’en réjouir. Ses théories tenaient de la pure folie.
— Lesquelles, par exemple ?
— C’était un spécialiste de la structure moléculaire. Enfin, croyions-nous ! Je ne sais pas grand-chose à ce sujet, mais toujours est-il que peu de temps après la parution de ses travaux, les journaux ont démenti l’authenticité de ses résultats, appuyés en cela par des communiqués gouvernementaux très virulents. Il s’est avéré que Kalf, dont le caractère contestataire était reconnu de tous, avait tenté de semer la peur dans les esprits pour ébranler le gouvernement. Une véritable manœuvre antisociale…
Weisse était sur le point de demander si quelqu’un avait pris la peine de vérifier les travaux incriminés, mais il préféra ne rien ajouter, pour ne pas éveiller des soupçons inutiles.
— Quoi qu’il en soit, éluda-t-il, la patrouille aura lieu d’ici quelques jours. J’espère qu’elle ne sera composée que de volontaires…
— En effet, je vous le souhaite. Suicide, oui, mais meurtre, non…
Weisse lui adressa un bref salut et quitta le bureau, méditatif et inquiet. Il allait devoir jouer serré. Il sentait qu’un piège, quelque part, commençait à se refermer… Il éprouva brusquement le besoin de se détendre, de se laver le cerveau des impressions de la nuit et des préoccupations du moment. N’ayant rien de mieux à faire pour l’instant, il décida d’aller se payer une séance de Montreur, pour juger de l’effet produit.
Il pénétra dans le salon quasiment désert. Un préposé apparut presque aussitôt, que Weisse n’avait jamais vu. Un nouveau ou un remplaçant. Après tout, les préposés prenaient aussi des vacances, car leur travail n’avait parfois rien d’enviable. Il suivit celui-ci dans la pièce octogonale et s’allongea comme à l’habitude dans le « sarcophage » de verre, non sans lorgner du coin de l’œil l’ombre étrange du Montreur nageant inlassablement dans sa sphère emplie de placenta… Il décida de faire le vide de son esprit et de trouver le bon rythme de respiration. Le couvercle fut rabattu avec un claquement sec. Il ferma les yeux, imaginant tous les fils invisibles qui couraient sous lui, reliant cette confortable coquille à la bulle hérissée d’électrodes capteurs… Il perdit conscience sans presque s’en rendre compte. D’abord la nuit. Et puis, progressivement, des images s’imposèrent devant ses yeux, prenant forme avec une précision et une réalité grandissantes. Elles s’emboîtèrent les unes aux autres, créant des scènes étranges et fantastiques au milieu desquelles évoluaient des personnages connus. Martha, Baney, Myra, Kalf… se succédaient sur le kaléidoscope du rêve, à ce point vivants, présents, qu’ils en paraissaient tangibles. Weisse se sentait entraîné vers des mondes inconnus, dans l’espace qu’il avait si souvent sillonné dans sa jeunesse. Il se trouvait dans un astronef, glissant délicieusement dans l’infini étoilé… Alors la peur s’insinua lentement dans le songe. Le vaisseau allait trop vite, bien trop vite. De part et d’autres des écrans visuels, les myriades de points blancs et lumineux défilaient à une vitesse affolante. Weisse savait parfaitement de quelle façon la réduire, mais les commandes n’obéissaient plus. En tout cas plus à lui. Attention ! Sabotage ! Sabotage ! Tous les voyants lumineux clignotaient en un ballet désespéré… Sabotage ! Cet appel déchira le rideau du sommeil. Weisse s’éveilla et son cœur battait à tout rompre. La salle était déserte, mais le contact avec le Montreur n’avait pas été débranché. Les images continuaient de lui parvenir. Des images qui le rendaient fou ! Weisse frappa de toutes ses forces contre le sas, mais en vain. Il semblait qu’on l’avait abandonné à son sort. Il ne parvenait plus à contrôler les battements anarchiques de son cœur et il fut pris de panique. Il allait mourir d’une dose trop forte de rêve… Sa main tremblante agrippa le fusil-arbalète. De précieuses secondes s’écoulèrent avant qu’elle parvînt à l’armer et à la lever, canon vers le ciel… Weisse sentait le sang battre ses tempes d’horrible façon. Ses oreilles étaient pleines d’un bourdonnement inconcevable… Son index se crispa sur la détente, tandis que les insupportables visions du Montreur continuaient malgré tout de se superposer à la réalité… Un vertige mortel commençait à l’envahir. Il allait succomber d’overdose, et cela aurait l’air d’un accident…
Le dard, propulsé par l’explosion ionique, fit voler à cet instant le couvercle en éclats. Des fragments lui infligèrent quelques coupures çà et là, mais sans gravité : Weisse se dégagea et se laissa tomber par terre. Il sentit à peine le choc. La tête lui tournait comme s’il avait dévalisé un débit de boissons. Pourtant, de la même façon qu’il avait échappé à l’emprise du Horlag cette nuit, son esprit avait desserré celle du Montreur, rompant le sommeil hypnotique… Le rêve meurtrier s’estompait progressivement, comme un brouillard chassé par le vent. Les battements de son cœur s’apaisaient. Lentement, il revenait à lui, reprenant ses marques avec le monde réel. Il se tourna sur le dos. A temps pour apercevoir la sphère du Montreur manœuvrée juste au-dessus de lui… Dans la cabine, une silhouette blanche s’affairait sur les manettes. Weisse comprit ce qui allait se passer. Aiguillonné par la peur, il trouva la force de rouler sur lui-même… à l’instant précis où la sphère se décrochait. Elle se pulvérisa à moins d’un pas de lui, dans un terrible fracas. Il fut aspergé, aveuglé, par cette ignoble fange aqueuse et putride, dont le flot le repoussa contre la porte. S’aidant de la paroi, il parvint à se redresser au prix d’un effort surhumain, mais désarmé. Le fusil avait été emporté dans cette marée infecte, et quand bien même eût-il été en mesure de remettre la main dessus, il y avait fort à parier qu’il était inutilisable…
Il en était là de ses réflexions quand quelque chose vint s’empêtrer dans ses jambes. Il s’en dégagea violemment et recula sous le choc de l’horreur. C’était le Montreur de Rêve. Ce fœtus d’une hideur cosmique, vagissant comme un enfant, à la tête énorme, disproportionnée, toute sillonnée d’étranges veines noires, au visage aveugle et fripé, le Montreur ! A l’exception des contrebandiers qui en faisaient le trafic, nul n’avait jamais vu ce que renfermaient ces sphères de placenta… Tout juste discernait-on la silhouette imprécise qui se mouvait sans relâche… Mais l’épouvante de Weisse provenait encore d’ailleurs. Pouvait-il se méprendre, lui qui les avait vus de face ? Bon sang, cette ignoble créature que l’on nommait Montreur, c’était… Weisse se vomit dessus sans scrupule, secoué par la plus violente nausée qu’il ait jamais ressentie. Quand il releva la tête, l’estomac vide, ce fut pour voir le faux préposé quitter la cabine en glissant quelque chose dans sa poche, et marcher sur lui. Il tenait un long poinçon tranchant dans sa main droite.
Une angoisse d’un ordre tout autre tordit les tripes du prévôt. Il se tenait à peine debout, et sans arme. Il n’avait aucune chance de s’en tirer. Il chercha désespérément quelque chose pour faire face, avisa un long fragment de sphère, long et effilé comme une stalactite. Il s’en saisit, se coupa, changea de main. Le tueur était déjà sur lui. Il l’évita en se jetant de côté. Glissa dans la substance visqueuse. Récupéra son équilibre d’extrême justesse pour parer le second coup. Il eut moins de chance. Le poinçon le blessa au bras, mais légèrement. Il rétorqua au hasard, concentrant toutes ses facultés. Mais la complète lucidité se faisait attendre. Il battit en retraite en direction de la cabine. S’il pouvait atteindre l’interphone… Son adversaire tenta bien de lui couper cette retraite, mais il dérapa à son tour, piétinant le Montreur qui agonisait… Weisse se rua dans la cabine, pressa le bouton rouge d’alarme. Appela au secours. L’autre était sur lui. Mais Weisse exécuta subitement un demi-tour et le cueillit avec la pointe de son éclat de verre, qui se brisa. Le tueur eut un cri étouffé. Une extrémité était restée fichée dans son estomac. Il s’abattit en avant avec un grognement indistinct. Weisse dut s’accrocher à la vitre de la cabine pour ne pas être entraîné dans sa chute. Jamais il ne s’était senti aussi faible, aussi mal en point… Il se souvint de la petite histoire de Livkist, celle du jeune homme qu’il avait fallu interner… Il serra les mâchoires aussi fort qu’il le put. Puis un détail lui revint à la mémoire… Il se laissa tomber à genoux auprès du cadavre et fouilla ses poches. Il n’y découvrit rien d’autre qu’une cassette. Une cassette qu’il n’avait jamais vue, dont le système lui était complètement étranger. Elle ne correspondait à aucun des appareils vidéo connus. Intrigué, Weisse la fourra dans sa ceinture en se promettant de l’examiner plus tard.
Il revint en titubant. Des coups étaient frappés à la porte. Il enjamba avec un haut-le-cœur le Montreur qui achevait de se décomposer, et ouvrit. Deux Miliciens firent irruption, arme au poing.
— Bon sang, que s’est-il passé, ici ? Prévôt, vous êtes blessé ?
— Non. Enfin pas vraiment. Il y a un mort dans la cabine.
— Mais que s’est-il passé ?
— Je n’en sais rien, mon gars, je n’en sais vraiment rien. Il faut retrouver le vrai préposé. Celui-là est un tueur…
Il ne put en dire davantage. La tête lui tourna pour de bon, et il s’affaissa dans les bras du policier…